Le personnage principal du roman de Dimitris Nollas « Le retour en Grèce » est un jeune homme de Thessalonique, Aristos, inscrit à l’université de Munich en Allemagne au début des années soixante du 20ème siècle. D’un tempérament dilettante il néglige ses études et rêve sa vie sans vraiment parvenir à vivre ses rêves quand un retour inopiné dans sa ville natale le bouleverse d’autant qu’il fait ce voyage en compagnie de Chrysanthe, une ouvrière employée depuis les années quarante dans une usine bavaroise, également de retour au pays. Chrysanthe oblige Aristos à se poser des questions sur lui-même avant que la redécouverte de Thessalonique, après trois ans d’absence, ne le place en face de réalités qu’il s’était toujours efforcé d’ignorer.
En fait, dès les premières pages du roman « Le retour en Grèce », émerge ce qui est peut-être le véritable sujet du livre : une réflexion sur le sens de la vie selon qu’on se situe dans le camp des vainqueurs ou dans celui des vaincus, et, par conséquent, la part de liberté dont nous disposons pour choisir l’un ou l’autre de ces deux camps. C’est le sens de sa rencontre avec Chrysanthe pour Aristos qui a tant de mal à admettre la liberté existentielle d’une femme stigmatisée par son appartenance au camp des vaincus et qui, de plus, s’offre le luxe de lui échapper.
Ainsi, au diapason de cette interrogation sur la victoire et l’échec, avec une ironie implacable Dimitris Nollas, se faisant l’interprète d’un peuple maltraité par l’histoire, propose au lecteur de partager avec Aristos une confrontation avec son pays, en déclinant les variations susceptibles de l’accompagner s’agissant de la Grèce : stigmates de l’occupation allemande, plaies toujours ouvertes de la guerre civile, difficulté de communication au sein d’une fratrie, conflits de classes, place du poète dans la cité etc. L’auteur opère un perpétuel balancement entre destin individuel et histoire collective pour nous mener vers cette interrogation sur
le sens de la vie à l’épreuve de la volonté d’être libre telle qu’affirmée sur des modalités bien différentes par Aristos et Chrysanthe.
Elle pourrait être sa mère et elle apparaît comme son double. Il la perçoit comme une âme sœur et la poursuit comme un amour impossible dont il ne peut que saisir une image en apparence semblable à travers Vassiliki, véritable demi-sœur de Chrysanthe mais aussi son double trompeur qui fait obstacle à la quête entreprise par Aristos pour retrouver Chrysanthe, en même temps qu’elle le confronte à un autre lui-même, un homme de la génération des années quarante, Apostolis qui fut d’ailleurs l’amour de jeunesse de Chrysanthe.
Dans cet imbroglio déstabilisant, selon les règles mêmes de la tragédie, et parce qu’elle incarne en fait la véritable héroïne du livre, Chrysanthe sera sacrifiée pour mieux apprendre à Aristos que dans notre monde conflictuel la liberté peut se payer très cher. Il y a donc dans « Le retour en Grèce » un jeu constant de miroirs en abîme où Dimitis Nollas nous propose des récits dans le récit en jouant tour à tour du comique dans des scènes désopilantes d’incongruité, et du tragique à travers une variété de décors, de situations et de personnages qui nous font voyager dans une Grèce aux antipodes de la carte postale touristique. Nul doute que la richesse de ce roman de Dimitris Nollas féconde l’imagination du lecteur, provoque de nombreux questionnements et résonne dans son esprit longtemps encore après la fermeture du livre.
168p, 20€
ISBN : 978-2-911427-73-2
(en librairie à partir du 21 avril 2017)